Vous avez dit Metaverse ?
Apparu pour la première fois en 1964 dans un roman de Daniel Galouye, le terme métavers devient aujourd’hui une réalité tangible avec l’essor du numérique. Un mot revenant régulièrement sur le devant de la scène ces dernières années apparentée à la fois au futur d’Internet et surtout à la création de monde virtuel parallèle interactif dans lequel les marques commencent à investir massivement. Découverte.
Le concept n’est pas récent, mais présente un nouvel eldorado que ce soit pour les entreprises comme pour les particuliers, offrant des possibilités infinies (et à définir). Présenté comme le Graal et le futur du Web, permis par les technologies numériques actuelles – intelligence artificielle, réalité virtuelle, blockchain, etc. - le Metaverse va-t-il s’imposer dans notre quotidien ?
Une histoire qui date de…1964 !
Mais qu’est-ce que le Metaverse dont tout le monde parle aujourd’hui ? L’entreprise Facebook s’est rebaptisée Meta il y a quelques mois, mettant en avant ses velléités sur ce marché pour l’instant assez nébuleux. Et pourtant ! Facebook est loin d’être parmi les principaux acteurs de ce secteur en devenir, nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin dans cet article. Ce concept puise son essence dans les années 1960, plus précisément en 1964 date à laquelle il est décrit pour la première fois dans le roman de science-fiction "Simulacron 3" de l’écrivain américain Daniel Galouye (publié en France à partir de 1968). Cet ouvrage met en avant une machine capable de simuler le monde réel. Il donna lieu à une adaptation cinématographique par le réalisateur Rainer Werner Fassbinder en 1973 dans « Le Monde sur le fil ». Le concept fut repris dans « Le Samouraï virtuel », paru en 1992, de Neal Stephenson, qui invente alors le terme de « métavers » ainsi que celui « d’avatar ». Ce roman de Neal Stephenson peut être perçu comme un cahier des charges d’un métavers sur plusieurs aspects :
- Économique : redistribution des richesses du monde réel dans le monde virtuel et en particulier auprès des différents acteurs à son origine ;
- Juridique : le code informatique devient la loi, définissant ce qui est légal ou non à travers des protocoles ;
- Accessibilité : à travers des terminaux publics de moindre qualité ou avec des lunettes de réalité virtuelle (VR) voir avec une interface bio-intégrée ;
- Scalabilité : il est impossible de représenter des millions d’utilisateurs précisément, d’où la modélisation de foules (ou de cohortes pour reprendre un terme faisant écho au changement de paradigme dans la captation de données de Google) ;
- Expérience utilisateur : les avatars sont personnalisables avec des expressions faciales et un langage non verbal afin de fournir une expérience virtuelle aussi proche et riche que celle d’une communication dans le monde réel.
Dans son ouvrage, Stephenson le décrit comme un successeur d’Internet, une sorte de jeu de rôle massivement multijoueurs (MMORPG) ou les utilisateurs évoluent dans un univers sous la forme d’avatar, des sortes de jumeaux numériques. Cette vision a nourri pendant des décennies des films, dont Ready Player One de Steven Spielberg, pour l’un des plus récents, mais aussi le Cobaye 2 ou encore la saga Tron, la quadrilogie Matrix… Numériser le monde d’aujourd’hui, apporter l’interaction, des éléments réels ou imaginaires, bref, une vie perçue à travers un casque VR sans sortir de chez soi avec des sensations qui peuvent s’apparenter à la réalité (les technologies haptiques permettent déjà de manipuler des objets virtuels à la main, d’avoir une sensation proche de celle du toucher et demain, d’autres innovations simuleront les odeurs…). Survoler le monde à dos de dragon ou plus réellement, gravir l’Everest sans quitter son canapé… Tentant ! C’est ce que promet le Metaverse ou metavers. Mais si le concept aujourd’hui balbutiant commence à pointer le bout de son nez, il en pose néanmoins de nombreuses problématiques tant au niveau technologique, juridique, éthique, sociale…
Comment se caractérise le metaverse aujourd’hui ?
Matthew Ball, l’un des spécialistes du sujet, a essayé de décrire les caractéristiques actuelles d’un Metaverse (car il peut en exister plusieurs !) :
- Persistant : il n’a aucune frontière ni limite, on ne peut le mettre en pause et le réinitialiser, c’est un univers permanent ;
- Synchrone et en live : l’ensemble des utilisateurs vivent la même expérience en temps réel, même si certains évènements peuvent être programmés et se déclencher de manière autonome ;
- Numérique : ce n’est pas de la réalité augmentée. Il est 100 % généré par ordinateur ;
- Aucune limite : tout le monde peut y participer, il n’a pas de taille maximum, ni de plafond ;
- Un univers économique : il permet de vendre et d’acheter des biens, d’investir… On le voit avec les NFT, des œuvres numériques qui peuvent être acquises facilement, authentifiables et infalsifiables par la sécurisation via des algorithmes de blockchain.
- Il n’est pas unique : il existe de multiples metaverses. Ce sont des univers décentralisés qui n’appartiennent pas à un seul acteur. Il n’y a aucune autorité dans cette réalité virtuelle, seulement différentes entités qui peuvent ou non être compatibles entre elles ;
- Interopérabilité : les metaverses veulent faciliter l’interconnexion. Un univers en vase clos n’aurait pas grand intérêt, mais cela reste possible. Les NFT et le système de blockchain permettraient d’offrir des passerelles entre les différents metaverses. Aujourd’hui, rien n’est encore acté, l’évolution de manière cloisonnée pourrait conduire à un échec ;
- À chacun d’imaginer le metaverse : par son aspect décentralisé, tout le monde pourra créer son propre contenu, vivre ses expériences, et ce, même si nombre d’entreprises commencent à s’intéresser vivement à ce sujet et à se l’approprier.
Pour l’heure, le metaverse n’est encore qu’à ses débuts. Facebook, Adobe et d’autres s’immiscent progressivement dans cet eldorado, mais rien ne garantit que le concept, en cours de développement, sera un succès. Les enjeux notamment en termes financiers, marketing voir d’orientation des utilisateurs sont importants et soulèvent de nombreuses questions.
Et au niveau des acteurs ?
Coup de tonnerre ! Le 28 octobre dernier, Facebook annonçait en grande pompe, changer son nom pour se rebaptiser Meta, convaincu que le metaverse représente l’avenir des relations sociales. L’entreprise disposant déjà du casque de réalité virtuelle Oculus Quest (qui devient Meta Quest), signe ainsi ses ambitions stratégiques vers ce nouveau marché, et ce, alors que dans le même temps, Google continue à se désengager de la réalité virtuelle. Un paradoxe en soi ! Bien avant cet effet d’annonce de Mark Zuckerberg, Microsoft a dévoilé lors de sa conférence Ignite en mars 2021, Mesh un espace de collaboration en temps réel sur lesquels les participants peuvent se connecter à l’aide d'HoloLens 2, de casques de réalité virtuelle (VR), de smartphones, de tablettes ou de PC. Et pourtant, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) sont loin d’être les principaux acteurs de cette petite révolution qui se trame en coulisse depuis de nombreuses années, principalement portée par des entreprises issues de l’industrie du jeu vidéo à savoir :
- Pixowl rachetée par Animoca Brands : l’entreprise développe The SandBox, un jeu immersif et un métavers qui permet aux joueurs de construire leur gameplay. Sa particularité ? Il est basé sur la cryptomonnaie Ethereum qui permet aux utilisateurs de créer leurs avatars numériques, d’utiliser différents outils pour créer des actifs, de les transformer en NFT pour les échanger ou les vendre.
- Decentraland : ce metavers permet aux utilisateurs de posséder des terrains, d’organiser des évènements virtuels, de générer et de partager du contenu, de participer à différentes activités… Il se base sur le jeton Mana, un standard dérivé d’Ethereum. Ce jeu est devenu populaire pour sa capacité à générer de l’immobilier virtuel NFT.
- Roblox : la plateforme de jeu de Roblox Corporation, récemment entrée en bourse, se distingue par son metavers pensé comme un lieu où les « gens peuvent se réunir au sein de millions d'expériences en 3D pour apprendre, travailler, jouer, créer et socialiser ». La société envisage de donner les moyens à ses utilisateurs et aux développeurs de créer des mondes numériques, mais également à s’orienter vers l’avenir du shopping en ligne. Ce metavers est alimenté par sa propre monnaie, le Robux.
- Microsoft : le géant de Redmond possédant déjà LinkedIn compte bien tirer son épingle du jeu en créant un metavers d’entreprises afin de faire converger monde numérique et physique. À noter que l’éditeur possède également Minecraft, le studio Activision Blizzard (World of Warcraft, Starcraft, HearthStone, Overwatch, Diablo, Warcraft…) et conçoit la console Xbox.
- Facebook : le leader des réseaux sociaux désormais baptisé Meta Platforms a affirmé son ambition de devenir une entreprise de metavers plutôt que de réseaux sociaux. Il développe les casque VR Quest, un environnement de réalité virtuelle VR Horizon et accélère ses investissements dans la réalité augmentée. Il possède, entre autres, Instagram, WhatsApp et Meta Quest (ex-Oculus VR).
- Nvidia : le fabricant de puces graphiques à l’origine de la première carte graphique au monde dispose d’une plateforme Omniverse destinée à connecter des mondes 3D dans un univers partagé. Cet outil déjà utilisé dans l’industrie permettra aux metavers d’être construits et interconnectés.
- Unity : à l’origine du célèbre moteur de jeu vidéo (voir nos formations Unity) s’intéresse vivement aux metavers. L’entreprise pourrait vendre des outils et des technologies afin de faciliter leur conception.
- Snap : l’entreprise à l’origine de l’application Snapchat utilise déjà des outils pour créer des avatars personnalisés et des filtres numériques afin d’ajouter des effets à des éléments réels. La société a d’ailleurs sorti ses premières lunettes de réalité augmentée qui pourraient être utilisées pour élaborer des expériences VR.
- Autodesk : l’éditeur spécialisé dans la modélisation 3D tant architecturale que pour l’industrie ludique pourrait voir ses logiciels utiliser dans la construction des mondes virtuels.
- Tencent : le leader chinois disposant de nombreuses participations notamment dans le studio de jeux vidéo Epic Games, a d’ores et déjà enregistré de nombreuses marques liées aux metavers.
- Epic Games : le studio de jeux vidéo qui développe Fortnite, mais aussi le moteur de jeu Unreal (si vous souhaitez créer un jeu vidéo de A à Z, notre formation Unreal est pour vous !), souhaite un métavers participatif et commun comme le souligne son PDG, Tim Sweeney. Fortnite a dépassé le stade de jeu de tir et propose des expériences sociales ou les joueurs peuvent habiller leurs avatars, participer à des évènements dansants, à des concerts exclusifs, mais aussi construire leurs propres îles et jeux.
- HTC : le fabricant taiwanais développant la gamme de casques VR Vive travaille sur un projet de metavers Vive Sync dédié aux réunions et présentations, principalement pour les entreprises.
Ce marché étant encore à ses débuts, porteurs de nombreuses promesses tant au niveau marketing qu’économiques, voit régulièrement fleurir de nouveaux acteurs. Des technologies haptiques pourraient compléter les casques VR, rendant l’expérience encore plus immersive, de multiples startups travaillent déjà sur ce sujet tandis qu’Adobe souhaite clairement faire partie de cet eldorado à travers ses logiciels graphiques. Cependant, ce phénomène soulève encore des problèmes tant technologiques qu’éthiques. Un sujet sur lequel nous reviendrons prochainement.