Le Green IT : phénomène de mode ou réelle avancée ?
Aujourd’hui, on le dénomme Green IT ou éco-TIC en français. Hier, il était appelé informatique durable, verte ou numérique responsable. Depuis la démocratisation des ordinateurs auprès du grand public et la popularisation d’Internet dans les foyers jusqu’aux smartphones, le Green IT s’est largement répandu sans pour autant arriver à porter ses fruits. Et pourtant, cela fait une trentaine d’années que cette prise de conscience existe avec l’apparition de la norme Energy Star en 1992 par… les États-Unis. Ce concept vise à réduire l’empreinte sociale, économique et environnementale du numérique. Et c’est bien là tout le paradoxe de la situation. D’un côté, la plupart des entreprises innovent au niveau technologique pour diminuer la consommation énergétique des composants. De l’autre, face à l’économie, la vente de ces mêmes composants à une population croissante, créant de nouveaux usages pour certains produits (comme le smartphone), incite à puiser toujours plus dans les ressources terrestres (silicium notamment et terres rares). Et vu que le taux d’équipements progresse dans les ménages, la facture d’électricité s’alourdit et de ce fait, contribue à entretenir ce cercle vicieux.
Des avancées encore trop faibles
Selon un article de 2018 publié dans le Journal du CNRS, l’ensemble des technologies numériques consomment 10% de l'électricité mondiale. 30% de cette consommation électrique vient des équipements terminaux, 30% des centres de données et 40% à la mise en réseaux. Dans un rapport de décembre 2019, le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) estime qu’une hausse de 10 % de la vidéo 4K en 2030 entraînerait une augmentation de 10 % de la consommation électrique globale du numérique, et ce, uniquement en France… L’intelligence artificielle augurant la prochaine révolution informatique nécessite, pour l’instant, d’importantes puissantes de calcul, des jeux de données qu’il faut stocker dans des datacenters ; Microsoft attend une vague de 7 milliards de joueurs en ligne avec le développement de l’e-sport ; la voiture autonome tant attendue consommerait de 1 à 2 TB/heure, soit 5000 fois plus que le trafic individuel. Avec la crise sanitaire, l’e-commerce bat son plein, les entreprises se numérisent rapidement, la visioconférence à exploser, l’apprentissage en e-learning se développe à vitesse grand V… Des facteurs qui ne sont pas à la baisse.
Une intention réglementaire sans réels effets ?
Le rapport Smart 2020 « Enabling the low carbon economy in the information age » évoque un effet rebond reposant sur le « paradoxe de Jevons » (1865) qui énonce que tout progrès dans l’efficacité énergétique se traduit par une hausse des consommations. Parallèlement, les initiatives existent afin de contrer cet emballement. L’éco-conception informatique arrive, mais se veut encore trop minoritaire, les normes environnementales se multiplient, les indicateurs d’efficacité énergétique fleurissent tandis que le zéro papier pousse à plus de mails, l’informatique génère des déchets non recyclables, 90 % étant incinérés ou recouverts sans prétraitement. L’initiative Green IT 1.0, aujourd’hui 2.0, vise à réduire l’empreinte environnementale concrètement dans le secteur numérique en apportant des méthodologies, de leur conception à leur utilisation. Et en attendant, la 8K débarque sur les écrans, l’IoT se développe, l’e-sport explose, les réseaux informatiques sont sollicités, les données davantage produites et stockées, la 5G se déploie… Que faudrait-il faire ? Ralentir la course au numérique dans une société de plus en plus dématérialisée, s’assurer à tous niveaux que les produits sont recyclables facilement et éco-conçus de bout en bout, ralentir les productions, consommer différemment, changer de mode de vie ? Une prise de conscience s’avère aujourd’hui plus que nécessaire. Se réveiller au risque de voir une Terre exsangue pour les prochaines générations.