Comprendre les espaces colorimétriques : tout un art !
La nature, quelles que soient les saisons, se pare de mille couleurs. Que vous soyez photographe, illustrateur ou vidéaste, tous savent l’importance de la colorimétrie et des règles de luminosité. Une pratique qui nécessite des connaissances sur ce sujet, un étalonnage rigoureux afin de sublimer leurs créations ou tout simplement donner un aspect artistique particulier, la patte de l’artiste !
Maîtriser la colorimétrie, un art plus difficile qu’il n’y paraît. Le passage à l’encrage d’un dessin en BD nécessite des connaissances spécifiques, le moindre défaut dans l’usage des couleurs se perçoit instinctivement. Un aspect que les professionnels soignent particulièrement. Si le RVB, le CMJN reste la base, le premier s’utilisant pour les supports numériques, le deuxième s’adressant aux impressions papier (print), ces deux espaces colorimétriques ne sont pas les seules, les plus anciens avec le RVB étant le diagramme de chromacité (CIE XYZ 1931) et l’espace de couleur L*a*b*. Car reproduire à l’écran les couleurs telles que l’être humain le perçoit ne date pas d’hier et a bénéficié, au fil du temps, de nombreuses évolutions.
Du CIE RGB au CIE L*a*b*
Depuis les prémices de l’informatique, les scientifiques ont cherché à reproduire sur le papier et ensuite les écrans ce que l’être humain percevait réellement. En premier lieu, les scientifiques ont cherché à établir un profil colorimétrique universel décrivant avec précision l’ensemble des couleurs perçu par l’Homme. La Commission internationale de l’éclairage (CIE), après plusieurs expériences, a élaboré l’espace CIE RGB en 1931. Cet espace se base sur les études menées par John Guild et William David Wright sur la vision humaine dans les années 1920 auprès d'un échantillon de la population. La même année, la CIE définie l’espace CIE XYZ fondant ainsi la colorimétrie scientifique. Cet espace, dénommé aussi diagramme de chromacité, permet de représenter l’ensemble des couleurs dans une répartition spatiale en prenant en compte les notions de luminance Y (intensité lumineuse indépendante de la couleur, donnée par la composante Y) et la chrominance induite par les deux autres valeurs (la sensation colorée, indépendante de l’intensité).
D’autres espaces verront le jour par la suite en l’améliorant tel que les espaces colorimétriques CIE UVW (1960), remplacé par CIE U′V′W′ (1976). Cependant, ceux-ci sont considérés comme linéaires et ne représentent pas le spectre colorimétrique intégrale telle que nous le percevons. C’est là qu’interviennent les espaces uniformes non linéaires apparus en 1976 comme le CIE L*a*b* utilisé pour la caractérisation des surfaces et le CIE LUV pour la caractérisation des sources lumineuses des écrans.
Il faut savoir qu’un être humain perçoit environ huit millions de couleurs, or leur reproduction parfaite, quel que soit le matériel et le logiciel utilisé s’avère un véritable défi, d’où l’existence de ces modèles. Mais alors, comment choisir le bon ?
Différence entre profils ICC et espace colorimétrique
Tout l’enjeu se concentre sur la bonne gestion des couleurs d’un périphérique à un autre. L’objectif étant de conserver les mêmes couleurs perçues par l’œil ainsi que sa saturation. Logique ! Que ce soit une photographie ou une vidéo, nous voulons voir la même couleur à la sortie qu’elle soit sur papier ou sur écran. Pourquoi faire simple alors qu’on peut faire compliqué ? L’appareil photo, la caméra, l’imprimante, l’écran ne perçoivent pas les couleurs de la même manière, chacun ayant leurs avantages et défauts. Il n’est pas rare que la couleur varie d’un modèle d’écran à un autre plus onéreux. Et cela s’explique en partie par son espace de couleur intégré (le gamut) dans le profil ICC de l’appareil. De ce fait, pour communiquer les mêmes couleurs d’un périphérique à un autre, il va falloir corriger ses valeurs afin de la reproduire à l’identique, les convertir. D’où l’utilisation d’espace colorimétrique indépendant du périphérique. Le CIE XYZ représente le plus grand espace de couleurs représentées par le biais de trois valeurs x,y,z définissant la profondeur et la luminosité de chacune d’entre elles. L’espace CIE L*a*b*, quant à lui, est considéré comme un espace colorimétrique absolu comprenant toutes les couleurs perçues par l’Homme avec un modèle de conversion différent de l’espace CIE XYZ. Plus précis, c’est celui utilisé par Photoshop et Lightroom pour effectuer les conversions colorimétriques. Pour résumer :
- Le Gamut : c’est l’ensemble de couleurs visibles ;
- Modèles ou espaces colorimétriques : représentation mathématique de l’ensemble des couleurs visibles (RVB, CMJN, L*a*b*, CIE XYZ, sRVB, Adobe RVB 1998, ProPhoto, DC-P3, Rec. 709, etc.) indépendantes du matériel utilisé ;
- Profil ICC : espace colorimétrique intégré par défaut dans un appareil
Que choisir face à cette multitude d’espaces colorimétriques pour avoir un rendu toujours optimal ? Une question qui, à bien des égards, peut avoir une réponse philosophique, tout dépend de ce que nous attendons en termes de résultat final.
Historiquement, les modèles colorimétriques ont suivi l’évolution de l’informatique. Ce qui explique leur multiplicité. Au CIELAB représentant tous le spectre colorimétrique visible perçut par une personne, il a été privilégié des espaces plus petits moins nécessitant moins de ressources. De plus, aucun matériel, et c’est encore le cas aujourd’hui, ne peut reproduire parfaitement ce que nous percevons. Travailler à huit millions de couleurs n’a aucun sens dans la majorité des cas. De ce fait, il n’y avait aucune raison d’inventer un modèle RVB aussi grand que l’espace L*a*b*. En privilégiant des espaces plus petits, c’était s’assurer une meilleure reproduction des couleurs d’un appareil à l’autre, sans de (trop) grandes différences.
Quel espace colorimétrique choisir ?
Selon l’utilisation finale, l’espace colorimétrique différera. Par exemple :
- En photo : le choix sur sRVB sera à privilégier si la destination de la photographie est uniquement sous forme numérique (site Web, réseaux sociaux, etc.), la plupart des matériels n’affichant pas toutes les subtilités de l’espace Adobe RVB. En revanche, si la photo doit être imprimée, l’espace Adobe RVB étant plus large sera plus intéressant.
- En vidéo : la problématique est la même. Le Rec.709 est plus adapté à la majorité des écrans de taille standard tandis que le DCI-P3 prendra tout son sens pour un affichage sur grand écran en ultra haute définition.
- Pour l’impression : il sera intéressant de convertir ses images en CMJN afin de prendre en considération la profondeur du noir.
Pour avoir la même sortie d’un périphérique à un autre, des sondes colorimétriques existent afin d’étalonner les écrans et d’établir un profil ICC qu’il sera possible ensuite d’utiliser sur l’ensemble de votre matériel (en général, vos écrans et vos imprimantes qui sont par essence toutes CMJN).
Il y aurait bien d’autres choses à aborder en colorimétrie, plus en détail tels la création de profils ICC personnalisé ou encore le gamma (la différence de luminosité, en général 2,2 en photo et 2,4 à 2,6 en vidéo), des thématiques proposées dans cette formation pour aller encore plus loin dans la colorimétrie et la maîtriser sur le bout des doigts !